Cinéma : « La Prière » par Cédric Kahn
Sortie en salles / 21 mars 2018.
Meilleur acteur au Festival de Berlin 2018.
Disponible en D.V.D.
Entre beauté mystique et nature sauvage, Cédric Kahn décrit avec une infinie pudeur le com-bat douloureux et rédempteur d’un jeune homme aux prises avec la vie. Thomas a 22 ans. Pour sortir de la dépendance, il rejoint une communauté isolée dans la montagne tenue par d’anciens drogués qui se soignent par la prière et le travail. Il va y découvrir l’amitié, la règle, l’amour et la foi.
Cédric Kahn a souvent peint des jusqu’au-boutistes, bloqués dans la jalousie maladive (Charles Berling dans « L’Ennui », 1998), le crime (Stefano Cassetti dans « Roberto Succo », 2001) ou l’obsession de la paternité (Mathieu Kassovitz dans « Vie sauvage », 2014). Mais il ne peignait que des adultes, imbus d’eux-mêmes, qui semblaient buter sur une série d’obstacles invisi-bles. Thomas est en errance, en déshérence, mais - au moins, il avance.
Thomas avance sans trop savoir où, pourquoi, ni comment. Un peu à la manière de la « Mou-chette » de Robert Bresson. Certes les styles diffèrent : la nature, par exemple, était inexis-tante ou oppressive chez le vieux maître chrétien, alors qu’elle embrase le film de Cédric Kahn. Mais tous deux se rejoignent pour filmer les liens invisibles qui circulent entre les êtres et l’obscurité des chemins qui les mènent à la lumière, en cernant scène après scène la naissance d’un mystère qui les sauve.
La foi soudaine et brûlante de Thomas est à la fois essentielle et dérisoire. Le réalisateur laisse son héros se débrouiller avec ses convictions, ses hésitations et ses illusions. L’important pour Cédric Kahn pourrait se résumer à la dernière phrase de « Pickpocket » de Bresson : « Oh, Jeanne, pour aller jusqu’à toi, quel drôle de chemin il m’a fallu prendre. » Et si « La Prière » nous découvrait tout ou partie de ce chemin ? A voir. Sans rituel.
Sœur Hélène Feisthammel