Cinéma : «Thérèse» d’Alain Cavalier
Il ressort en salles d’Art et d’Essais : «Thérèse» d’Alain Cavalier (1986)
le film s’intitule «Thérèse» tout simplement. Sur l’affiche, la signature est celle de Thérèse Martin. Pour situer l’époque. Alain Cavalier, qui se dit agnostique, confie au cours de ses différentes interviews que c’est le personnage de Thérèse qui l’a subjugué. «Comment une femme se débat avec une passion mystique»: voilà son sujet. Il peint cette lutte avec les termes de toutes les passions amoureuses. Dans les admirables poèmes du Cantique des Cantiques, il puise la trame de son film où la présence/absence du Bien Aimé constitue le moteur de l’action.
Lutte, sensorialité et langage des corps, passion mystique jusqu’à se consumer d’Amour pour Celui qui semble absent. Tels sont les thèmes forts qui invitent croyants et incroyants à dépasser les images trop stéréotypées de la sainteté. Et c’est là que le film ouvre admirablement sur le «sacré». Non pas l’évidence, mais l’interrogation. Non pas l’angélisme, mais la pesanteur des corps. Non pas le moralisme de la règle, mais le regard de l’amour qui rend libre. «Thérèse» est un film qui fait le vide. Et ce vide nous brûle. On n’en sort pas indemne.
La première chose à remarquer dans le film, c’est que les personnages évoluent dans des espaces qui ne sont pas délimités. Il n’y a ni murs, ni portes, ni fenêtres, ni plafond. Seulement un fond plus ou moins clair ou foncé. Si l’on ajoute que l’échelle des plans va du gros plan au plan pied de petit groupe (une vingtaine de personnes), on comprend que les moindres objets acquièrent une importance capitale. Exemple: la mort de Thérèse ne nous est pas montrée. A la place, Cavalier montre ses mains qui rangent le crayon usé (avec lequel elle a écrit son journal) dans son plumier avant de le refermer lentement.
A l’absence de repères correspond la rareté des repères de temps. Le fil des jours, des nuits, des semaines et des années est totalement absent du film dont le rythme est assez lent: plans prolongés, fondus au noir systématiques entre les plans. Le seul élément de progression que Cavalier fait exister, c’est l’évolution de la maladie de la jeune carmélite. «Je désirais, grâce à ce sujet, me sortir de l’excès des images et des sons qui m’assaillent au cours de mes journées, déclare le réalisateur. J’ai pris plaisir à mettre en valeur les visages, à rendre perceptibles les plus infimes mouvements du corps.»
Si je devais choisir un plan caractéristique du film, je choisirais le dernier plan de «Thérèse». Plan fixe sur les sandales de Thérèse, auxquelles renvoie l’annonce de la canonisation en voix off. Ne restent de Thérèse que ses sandales, ce qui est abandonné à la pesanteur quand l’amour a tout consumé. Sandales déchaussées: image de présence/absence. Peut-être le mélange explosif de deux logiques : celle du corps et celle de l’Esprit. Peut-être encore la trace et le mystère de la sainteté. Qui sait ? A revoir en urgence.
Sr Hélène Feisthammel