« Prier à l’aide d’une œuvre d’art contemporain »

Les pèlerins d’Emmaüs : le triptyque d’Arcabas

Le 14 avril, 3ème dimanche de Pâque, la liturgie nous a fait entendre le texte de Luc sur les disciples d’Emmaüs- Lc 24,13-35-. La messe télévisée du "Jour du Seigneur" a été retransmise depuis la petite église de Cognin en Savoie où je réside. Choix dû au magnifique triptyque qui orne le chœur, œuvre d’Arcabas résidant en Chartreuse toute proche.

Il s’agit bien sûr d’une catéchèse pour les premiers chrétiens que nous devons nous approprier pour aujourd’hui. Je vous propose de prier avec le commentaire que l’on en fait dans notre paroisse après avoir entendu l’artiste sur son projet, puis d’écouter tout ce que l’Esprit de Dieu vous suggérera.

Sr Pascale Arfeux

Pour aller plus loin :
https://cognin.paroisse73.fr/Un-triptyque-sur-les-disciples-d-Emmaus.html


Commentaire du triptyque d’Arcabas

Arcabas a donné à son triptyque la forme d’un livre qu’on ouvre sur la Parole, une page d’Évangile en couleur.
Le visage du Christ porte les stigmates de la mort, mais est déjà tout imprégné de la lumière de la Résurrection. Un visage sur un corps tout vêtu de blanc, d’une blancheur transparente, pieds nus et mains ouvertes. Un corps qui n’est plus prisonnier du temps et de l’espace, qui passe de la nuit à la lumière, une présence d’éternité dont la lumière diffuse vers les disciples. L’événement est traité au présent : les formes, la simplicité, les couleurs posées par grandes taches dont de ce tableau une scène contemporaine. La table n’a pas de pieds, les carreaux de la nappe n’ont pas de perspective, c’est une table hors du temps, une table d’aujourd’hui et d’ici : nous pouvons nous arrêter et nous asseoir nous aussi.
On ne sait pas qui étaient les deux disciples, ce peut être nous. Des hommes bien campés sur leur chaise, sandales aux pieds, comme scellés au sol, pétris de notre humanité. Devant eux, pichet, fourchette, chandelier… ils sont de notre espèce. Lorsqu’ils auront reconnu le Christ ressuscité, ils resteront bien sur cette terre où ils sont solidement implantés et ils repartiront témoigner au milieu du monde.
On se retrouve dans chacun des disciples. Tantôt dans celui à droite du Christ qui est encore en proie au doute exprimé tout au long de la route, « nous espérions ». La grande tache bleu foncé traduit l’angoisse et l’inquiétude. La flamme de la bougie du chandelier set noire. Il est fatigué et cherche à retrouver quelque force en participant au repas. Tantôt dans celui à gauche du Christ qui découvre le Ressuscité. Il protège son visage de la lumière par l’ombre de sa main, à la fois écran et lien entre le Christ et lui. Il pénètre déjà dans le mystère du Dieu qui est source de lumière et de vie.
Le Christ a rappelé les Ecritures le long du chemin, mais finalement, c’est à un geste quotidien qu’ils le reconnaissent, c’est à un geste quotidien qu’ils le reconnaissent, un geste qui naît de la rencontre. Mais aussi pour Luc et les premiers chrétiens, geste de la fraction du pain qui renvoie à l’Eucharistie, au christ livrant sa vie. Ce qui a transformé les disciples, c’est la rencontre du Ressuscité, à la fois présent et absent, qui se donne en nourriture.
Les deux disciples sont dans un cadre bien fermé, encore prisonniers de leur doute. Le Christ se situe dans un espace ouvert, orienté vers la terre et vers le ciel. Il devient le trait d’union, le médiateur entre Dieu et l’homme. Les disciples vont bientôt se mettre en route, sandales aux pieds : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? »